La phrase que ne prononce jamais un dirigeant (mais est-il le seul?..)

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C'est une phrase simple, si simple; 4 petits mots qui s'assemblent pour donner du sens à ce qui arrive à tout le monde, mais que les dirigeants (mais pas qu'eux) sont incapables de prononcer…

Cette phrase simple, qui sonne comme un tabou ultime, c'est celle-ci : "je me suis trompé".

 

 

L'EGO EN MODE AUTODESTRUCTEUR

 

La boursouflure egotique détruit l'ego et la crédibilité. Être en incapacité de reconnaître ses erreurs ou ses errements et de les verbaliser peut être vu, dans un premier temps, comme la mise en place d'un mur de défense de celui-ci. Ne pas reconnaître ses erreurs constitue un réflexe premier vu comme salvateur, mais qui sera, en dernière instance, destructeur de l'ego; le pire étant que cette destruction ne vient pas de l'extérieur, mais qu'elle est générée, dans une action improductive et à rebours de l'effet premier par la personne même. Autrement dit, et sans détour, ne pas être capable de reconnaître et de verbaliser, de partager ses erreurs est l'acte le plus autodestructeur de l'ego que l'on puisse réaliser. Essayons de mieux comprendre pourquoi avec les développements ci-dessous qui compléteront notre article "L'ego, une qualité indispensable pour diriger, mais qui peut devenir une prison".

 

 

LE MENSONGE REVISIONNISTE COMME PARAVENT DE SES ECHECS

 

Camoufler ses failles et ses errements est la seule voie pour celui ou celle qui ne sait pas dire "je me suis trompé". En effet comment faire disparaître le réel de l'échec, qui est là, devant les yeux de tout le monde? Mentir pour faire disparaître ce que l'ego ne peut assumer. L'ego voit l'échec, mais il ne peut l'assumer (nous verrons pourquoi dans le paragraphe suivant). Il ne faut pas nier. La négation serait une (petite) reconnaissance de ce réel qui ne colle pas avec le discours, le verbiage. Il convient donc de recouvrir le réel insupportable de couches multiples de mensonges. Plus c'est gros plus ça passe, car chacun se dira "mais non, quand même! Comment est-il possible?" Mais celui ou celle qui ne sait pas dire "je me suis trompé" devra rester fixe, raide dans sa position. Plus il ou elle ment, et plus il faudra mentir, beaucoup et grossièrement. Les ministères de la propagande des différents totalitarismes (nazis, communistes, religieux, etc…) ont tous joué cette partition ignominieuse : la logorrhée verbale, le matraquage, la posture raide, et la revendication de la Vérité Absolue. 

 

 

L'ABSENCE DE CONFIANCE EN SOI COMME MASQUE

 

Impuissance. Lâcheté. Faiblesse. Tels sont, derrière les masques de la force et du mensonge, les visages de ces êtres si fragiles et si peu confiants en eux-mêmes que sont celles et ceux qui ne savent pas dire "je me suis trompé". En effet, comment qualifier ces personnes qui n'ont pas ni la force ni le courage de reconnaître leurs erreurs. Elles sont faibles et impuissantes; tout simplement. Et toutes leurs démonstrations de matraquage (communicationnel ou physique) ne sont que l'expression de leur manque fondamental de confiance en soi, voire même d'estime de soi.

 

 

LA FAUSSE IMAGE DU LEADER "PUISSANT"

 

C'est ici que l'image d'Epinal du Leader Maximo, fort, puissant (donc violent et menteur) vient nous jouer des tours. En effet, pourquoi ne pas reconnaître ses erreurs? En partie parce que l'image vantée depuis des siècles du "chef" est celle de celui qui ne montre aucune faiblesse. Or, aujourd'hui encore, alors même que les papes de la "bienveillance et gentillesse managériale" sont légions dans les écoles de management et sur les réseaux numériques, la réalité qui vient démentir toute leur entreprise de bisounoursisation du monde témoigne de l'opposé. Qui est bienveillant face à un leader qui dit "je me suis trompé"?... Je cherche… encore… Non dans le concept et dans la théorie, mais dans le monde humain. Eh oui! Aujourd'hui encore être celui ou celle qui reconnaît ses erreurs c'est être renvoyé une image, un a-priori de faiblesse. Et celui ou celle qui tentera l'exercice verra très vite disparaître à la vitesse de la lumière toute les théories de la bienveillance pour voir apparaître de manière instantanée la vengeance, le mépris et le discrédit.

 

 

L'ABSENCE D'ANALYSE ET LA REPETITION DE L'ERREUR

 

Le problème fondamental de cette pression sociale, à nouveau au-delà des beaux discours qui n'engagent jamais ceux qui les prononcent, conduit non seulement à la médiocrité, mais bien pire encore à la répétition de tout ce qui a conduit à l'erreur. En effet, à quoi sert de reconnaître (sincèrement) ses erreurs et de l'exprimer? À se donner une chance de s'améliorer. DIRE SINCÈREMENT "JE ME SUIS TROMPÉ" EST LA SEULE VOIE POSSIBLE À L'AMÉLIORATION INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE.

À une condition, et non des moindres. 

La première, nous l'avons vu est d'avoir cette capacité, cette puissance intérieure (la fameuse "virtu" des romains de l'Antiquité) de surmonter les faiblesses de son ego et de vaincre la pression sociale qui veut que le "chef ne reconnaissent jamais ses erreurs".

La seconde, qui est aussi importante et tout aussi difficile, c'est de trouver la lucidité de comprendre COMMENT et POURQUOI l'on s'est trompé. Le comment et le pourquoi sont eux-mêmes aussi important car ils vont nous faire progresser, grandir dans les deux dimensions. Le COMMENT dans la dimension de la TECHNIQUE et de l'ORGANISAITON. Le comment répond à la question "qu'est-ce qui n'a pas marché, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné?". Le POURQUOI nous oblige à poser la question de nos MOTIVATIONS (qu'est-ce qui m'anime, me met en énergie, et pourquoi, ici, cette énergie motrice m'a conduit à l'erreur?) et de nos IDÉOLOGIES (quel est mon référentiel de pensée, et en quoi ce référentiel, ici, dans cette situation particulière, m'a conduit à faire de mauvais choix?). 

Vous comprenez à présent, avec ces deux questions, pourquoi cette phrase si simple "je me suis trompé" est si difficile à sortir de notre bouche, de notre pensée, mais aussi de nos tripes; car prononcer cette phrase suppose que j'ai la PUISSANCE INTÉRIEURE DE ME REMETTRE EN QUESTION PROFONDÉMENT. 

Suis-je capable de dire stop à mon EGO quand il se trompe? Suis-je capable de reconnaître sincèrement mes erreurs et mes errances? Suis-je capable de faire le diagnostic de la défaillance dans mes motivations et mes idéologies? Suis-je capable d'en tirer les conclusions et les conséquences?

Voilà toutes les questions qui se posent dans la formulation de cette petite phrase "je me suis trompé"… Chacun comprendra ici que cette petite phrase n'en est pas une. Que cette phrase et ces 4 mots ne peuvent être prononcés que des GRANDES ÂMES, des MAGNA ANIMA au sens étymologique. Qui possède cette grandeur d'âme? Cette puissance d'âme? Cette sincérité de l'âme?...

 

 

INFANTILISATION UNIVERSELLE ET ABSOLUE

 

Pour conclure, soyons clairs! Ne pas prononcer la phrase "je me suis trompé" est un signe d'infantilisation, de puérilité crasse. Elle est d'abord infantilisation et puérilité de celui ou celle qui ne peut la prononcer. Petit bébé coincé dans un ego non maîtrisé, cette incapacité montre la personne telle qu'elle est. Un PETIT ENFANT IRRESPONSABLE.

Mais, pire encore, elle conduit aussi celles et ceux à qui sont refusés la phrase "je me suis trompé" sont eux aussi considérés comme des petits enfants à qui il est préférable de mentir, car ils ne sauraient pas gérer la vérité de celui ou celle qui a commis une erreur. 

C'est certainement la pire des conséquences de l'incapacité de reconnaître ses erreurs : elle nous condamne toutes et tous à l'infantilisation et à la puérilité!

 

 

EN GUISE DE CONCLUSION, UN HOMMAGE

 

Aurons-nous le courage individuel et collectif de reconnaître nos erreurs? Aurons nous le courage individuel et collectif de nous améliorer dans ce que nous faisons et dans qui nous sommes?

Aurons-nous le courage d'être des grandes âmes?

Aurons-nous le courage d'être… humains?

 

Nous dédions cet article à toutes ces personnes rencontrées depuis plus de 20 ans de pratique de conseil et de formations. Que vous ayez été leaders ou dirigeants, managers intermédiaires ou de terrain, et aussi à ces personnes dans les équipes qui ont su reconnaître sincèrement leurs erreurs, assumer leurs responsabilités et surmonter les difficultés.

Votre existence et vos exemples sont un guide pour nous dans la pratique de notre vocation au sein de PARRHESIA. 

Nous partageons cette attitude de vie synthétisée par Cicéron dans son ouvrage "Plaidoyer pour Murena" : "Personam non appetivi" qui signifie : "Je n’ai pas cherché à prendre un masque", autrement dit : "Je n’ai pas voulu jouer un rôle, je me présente à vous le visage découvert".

Merci à vous et n'ayez pas peur d'être souvent seul(e)s sur le chemin. Les adultes sont rares en ces temps… Bravo à vous!

 

Sophie Girard & Jean-Olivier Allègre

Tags
management, erreur

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