L’ego une qualité indispensable pour diriger… mais qui peut devenir une «prison»
Le dirigeant que je rencontrais ce jour là était âgé de 75 ans. L’expert-comptable qui avait fait appel à nos services m’avait simplement parlé d’une situation compliquée tant financièrement, que relationnellement et managérialement parlant. Effectivement je ne fus pas au bout de mes surprises lors de ce rendez-vous. L’homme qui était en face de moi me raconta d’abord longuement ses années glorieuses : il s’était lancé à son compte lorsqu’il avait 25 ans, avec pour ambition de devenir la référence dans le domaine dans lequel il exerçait. Les années étaient passées, et l’entreprise s’était structurée autour de son dirigeant en gagnant des clients, de la notoriété et des effectifs. Le dirigeant me parlait posément, humblement, à la fois de ses succès et de ses échecs, mettant en avant un rêve, une ambition qui s’était réalisée. Puis arriva le moment délicat, au cœur de ses préoccupations : la succession…
Le dirigeant m’expliqua s’être retiré une première fois alors qu’il avait un peu moins de 65 ans pour transmettre l’entreprise à son fils aîné. Il avait dû revenir à la rescousse de la société 3 ans après car la santé financière avait pris un sérieux coup de « moins bien ». Comme au début, me raconta-t-il, il se retroussa les manches pour aller chercher et rassurer les clients, organiser au quotidien les planning de travail de chacun, faire les offres commerciales, etc… Cela lui avait coûté, car il n’avait « plus 20 ans », et les efforts répétés lui pesaient. Les choses s’étaient remises en ordre, et il avait une fois de plus expliqué à son fils comment gérer les affaires, les clients et le personnel. Il était à nouveau parti, lui confiant les rênes de l’entreprise. Bien sûr, il dut revenir une seconde fois pour les mêmes raisons, puis une troisième fois… Je vécus alors un moment rare dans une vie de consultant : participer à la détresse d’un dirigeant effondré et en larmes en comprenant que son entreprise, à laquelle il avait consacré tant de temps et d’énergie, risquait de disparaître définitivement, car cette fois-ci, l’énergie lui faisait défaut et l’état des finances avait dépassé la cote d’alerte. Aussi, même s’il s’était attelé, une nouvelle fois à la tâche, allant jusqu’à effectuer des interventions, la mission lui paraissait cette fois (et sans mauvais jeu de mots) impossible. Comme je le disais, il est rare, pour un consultant de vivre un moment comme celui-ci avec un dirigeant qui ne joue plus, qui ne se cache pas derrière des attitudes de façade pour masquer sa peur, sa détresse ou son désarroi. Ici tout était brut, sans masque.
Au-delà de l’anecdote et du caractère fort de cette rencontre, cette situation met en relief des dimensions intéressantes dans la relation d’un dirigeant ou d’un manager à son ego. J’aimerais en mettre quelques une (les plus fortes) en avant pour montrer toute l’ambivalence de cet ego (à la fois qualité et « prison ») dans le management d’une équipe ou d’une entreprise…
L’ego, cette capacité à dire « je »
Tout d’abord ce dirigeant n’est pas un « monstre », il n’est pas non plus un tyran plus ou moins violent. Cela ne l’empêche pas d’avoir un fort ego, c’est-à-dire une capacité à exister et à dire « je ». Voilà un aspect non négligeable dans la personnalité de tout un chacun, mais qui prend une dimension essentielle dans la pratique du management. En effet, partant du principe que manager c’est « diriger » (une équipe ou une entreprise), il est compliqué de diriger sans être capable de s’affirmer et d’être reconnu comme une référence. Autrement dit, loin de la caricature du sergent-chef militaire conduisant ses troupes d’une poigne de fer, la capacité à s’affirmer et à dire « je » peut se rapprocher en ce sens du « charisme », c’est-à-dire de la capacité possédée par une personne capable de créer autour d’elle et avec elle une dynamique collective, une envie et une capacité de réaliser des ambitions ensemble. Il faut alors parler d’un ego faisant « autorité », au sens plein du terme, c’est-à-dire reconnu comme une référence éclairée auprès de laquelle on prend conseil pour avancer de façon pertinente. Ici encore, il faut éloigner les malentendus : être porteur d’une autorité n’a rien à voir avec le fait d’être autoritaire. L’autoritaire se fait « obéir » par la force ou la contrainte; l’autorité est reconnue de manière « spontanée » et en tout cas sans contrainte. Ici l’ego qui fait autorité est un atout majeur du dirigeant et du manager dans la possibilité de mettre un groupe en mouvement, en énergie pour réaliser des ambitions fortes. Le dirigeant dont je parlais possède sans conteste cette qualité de l’ego : il en a fallu de l’énergie pour faire reconnaître l’entreprise comme une référence auprès des clients, pour faire adhérer les salariés au projet de qualité de service. Il a fallu fédérer et entraîner pour faire face aux projets, aux demandes des clients, aux évolutions de contexte, au revirement de marchés, etc… Sans un ego capable de porter ces ambitions, l’entreprise serait restée au stade initial.
L’ego : image sociale & réputation
Mais cet ego, qui, dans la dimension que nous venons d’aborder est une qualité indéniable peut aussi se retourner en une contrainte, voire une « prison »… En effet, si je n’y prends garde, mon ego peut m’enfermer dans des comportements « étranges », … Je ne veux plus alors porter les ambitions d’un groupe, mais être à la hauteur, coûte que coûte, de ma réputation. Je perds alors de vue l’essentiel pour me tourner (uniquement) vers moi. Ainsi dans notre exemple, le dirigeant s’est construit l’image d’un homme à qui « tout réussi », et qui ne peut donc se permettre d’échouer. Or pour ne pas connaître l’échec, son ego l’a conduit à prendre des décisions dorant son blason personnel sans nécessairement servir l’entreprise. Ainsi, lorsque son fils a rejoint la société, il fut rapidement assez clair qu’il ne serait pas à la hauteur pour la diriger (voire même simplement pour manager des équipes), et, cerise sur le gâteau : ce n’était ni sa « tasse de thé », ni son désir ou son projet. Mais comment se dédire lorsque l’on a annoncé haut et fort que l’entreprise familiale serait dirigé par son fils?.. Il a fallu alors camoufler les manques et les erreurs du fils pour garder profil haut et l’objectif intact. Il a aussi fallu prendre sur soi pour compenser par des heures de travail ces mêmes lacunes ; l’important n’était plus l’entreprise et son projet, ses ambitions, mais de ne pas se décevoir et de ne pas faire marche arrière sur une décision annoncée comme irrévocable…
L’angle mort et le chemin tabou
Cette dimension de l’ego nous conduit à 2 pistes récurrentes dans la vie d’un dirigeant ou d’un manager.
La première, la plus simple à aborder et à mettre de côté s’appelle « l’angle mort ». De par notre vécu, notre histoire, nous possédons des compétences spécifiques qui nous ont permis d’arriver au niveau où nous sommes. Nous les avons bien identifiées et nous savons les mettre en œuvre au moment opportun. Il peut s’agir de compétences techniques dans un métier, dans la gestion, dans le management, l’organisation, le marketing, le commercial, etc… Il faut entendre ici le terme de « compétences » au sens large : un savoir-faire pratique porteur de résultats et d’efficacité. Ils nous assurent une maîtrise certaine de notre environnement. Mais… Quelle que soit notre valeur et le champs de nos compétences, nous avons des manques : ce sont les fameux « angles morts ». Ici notre ego va se révéler dans une première dimension : en prendre conscience et savoir s’entourer pour y pallier ou, au contraire, faire « comme si » ce n’était pas important, ou « comme si » nous les maîtrisions quand même… Combien de managers, de dirigeants se révèlent sur cette question : soit en jouant à être ce qu’ils ne sont pas ou, au contraire, faisant preuve d’humilité et de sagesse en reconnaissant que nul n’est omniscient et que chacun possède ses domaines de compétences et aussi d’incompétences. L’hyperdirigeant ou l’hypermanager devient clairement ici un danger non seulement pour lui-même mais aussi et surtout pour l’ensemble des personnes qui travaillent avec lui. Le dirigeant de notre histoire a été (en partie) victime de cet angle mort. Il aurait pu s’entourer de conseils pour faciliter sa transition. Mais, sans même aller jusque là, il aurait pu être à l’écoute des personnes qui, en interne, venaient lui dire que les choses ne seraient pas aussi simples que cela pour réussir la transition, et que le management devait être amélioré, des relais mis en place, une organisation différente devait voir le jour, etc…
Mais, et c’est ici qu’apparaît la seconde piste évoquée : « le chemin tabou » (correspondant dans notre exemple à la place du fils au sein de l’entreprise). Il n’est pas dans notre objectif de rentrer dans le détail de cette dimension de l’ego ; mais ne pas l’évoquer serait passer à côté d’un point important et qui constitue une « prison de l’ego » plus ou moins visible mais des plus fortes et des plus tenaces. Le chemin tabou est une action ou un ensemble d’actions qu’une personne (dans notre cas un dirigeant ou un manager) ne peut pas réaliser : cela lui est interdit (non pas légalement ou par manque de compétences) parce qu’il n’a pas les ressources psychologiques pour le faire. Dans notre cas, le chemin tabou de notre dirigeant est assez « évident » à visualiser : il ne peut dire à son fils qu’il n’est pas capable de diriger l’entreprise. Partant de ce fait, il ne peut choisir un successeur pour reprendre sa suite et diriger l’entreprise pour lui assurer un avenir puisque ce serait non seulement désavouer son fils, mais surtout se déjuger (et devoir affronter le regard du reste de la famille). La société est sur un marché porteur, elle est reconnue, les salariés sont compétents (et encore motivés). Autrement dit, un successeur (fut-il repreneur ou Directeur Général) capable de bien gérer l’entreprise, de développer la partie commerciale assurerait un avenir à l’ensemble des salariés. Mais pour cela, il faut « désavouer » le fils. Ce qui a été impossible. Dans notre cas, le « chemin tabou » est extrême, mais, soyons modeste, car nous en avons tous un, et s’il est facile de visualiser celui des autres, le nôtre est plus difficile à appréhender. La possibilité de sortie de ce chemin tabou demande une vraie connaissance de soi et surtout, précisément, de quitter une dimension de notre ego : celle qui nous conduit à agir mécaniquement en étant « dominé » par lui, notre image sociale et notre réputation, autrement de faire preuve de détachement et d’humilité.
Le syndrome du « schtroumpf »
Sans cette humilité nécessaire et cette absence de référence constante à notre ego, nous risquons de basculer non seulement dans la dérive mortifère de l’omni-dirigeant ou de l’omni-manager (celui qui veut tout faire, tout voir, tout savoir, tout décider seul), mais aussi et surtout dans ce qu’il est convenu d’appeler de manière humoristique, le « syndrome du schtroumpf ». Le concept (et la pratique plus encore) sont assez faciles à cerner : le dirigeant ou le manager victime du « syndrome du schtroumpf » est celui qui veut repeindre toutes les personnes à sa couleur (bleu dans le cas des schtroumpfs). Autrement dit, il veut étendre l’emprise de son ego sur un maximum de personnes travaillant avec lui. Le point culminant de cette dérive est atteint dans les opérations de fusion, de rapprochement d’entreprises ou de sites, où celui qui « signe le chèque » désire ardemment (et rapidement) voir l’entreprise rachetée ou l’équipe intégrée repeintes à ses couleurs (c’est-à-dire cohérentes avec ses valeurs, ses métiers, ses pratiques, son organisation, etc…). Cette approche des rapprochements révèlent une méconnaissance forte des mécanismes humains à l’œuvre… C’est ainsi que 70% des rapprochements échouent sur la base de l’humain qui a été mal (ou pas) managé… Mais si l’on sort de cette dimension exacerbante du « syndrome du schtroumpf », combien de dirigeants construisent (ou désire construire) une équipe de managers « à leur main », c’est-à-dire avec des personnes partageant leurs façons de voir, d’être, de décider, etc… L’ego ici se révèle dans toute sa splendeur, et les dérives monarchiques ou paternalistes sont patentes (aussi bien dans les entreprises familiales que dans des grands groupes d’ailleurs). Heureusement, nombreux sont les managers et les dirigeants capables d’utiliser au quotidien leur ego comme une qualité, c’est-à-dire en refusant cette illusion d’un pouvoir « absolu » (relevant de l’immaturité) pour solliciter le côté positif de leur ego. En effet, je pense à ce cas, pas si rare d’un DG m’expliquant sa logique de recrutement : « Je veux intégrer uniquement des gens dont je sens qu’ils ont la capacité de me dépasser ». Sa pratique s’appuyait non seulement sur le fait de vouloir disposer de personnes apporteuses au sein de l’entreprise, mais surtout sur le fait de se vouloir « titiller » (passez moi l’expression) par des collaborateurs qui allaient le pousser dans ses derniers retranchements. Il voulait ainsi rester en dynamique et ne pas s’endormir sur ses lauriers, et surtout, qualité essentielle non seulement de l’ego mais d’un dirigeant qui voit loin, ne pas s’enfermer dans ce qu’il connaissait bien et trouver des personnes capables de challenger ses décisions en posant des arguments forts dans le débat, bref de créer une véritable émulation. Nous sommes ici bien loin de l’ego prison, uniquement désireux de trouver la cooptation et les approbations de ses subordonnés fussent-elles fausses et empreintes de flatterie.
Ouverture et fermeture
Nous sommes ici au cœur de la problématique de l’ego, que ce soit sur le sujet du projet d’entreprise, de ses valeurs ou de la prise de décision. L’ego n’est pas un problème en lui-même, fut-il très expansif. La « qualité » ou la « prison » s’articule autour des notions d’ouverture et de fermeture, c’est-à-dire la capacité du dirigeant, du manager d’être à l’écoute de ce que peut lui exprimer son environnement (collègues, salariés, cadres, conseils, etc…). Certains dirigeants et managers pratiquent cette ouverture à l’autre ; ils prennent des avis, des conseils, pour enrichir leur vision et surtout augmenter leur angle de vision. Le point de rupture entre capacité d’ouverture ou non se situe généralement sur la dimension de la prise de décision. En effet, un manager, et plus encore un dirigeant se définit par sa capacité de décider. Certains se ferment aux avis et conseils extérieurs de manière franche ou, dans le cadre du management faussement participatif prennent des avis sans les entendre ni en tenir compte. Derrière cette attitude se cache le plus souvent la crainte de ne plus rester le décisionnaire final ou de subir des influences. Cela est dommageable, car les dirigeants et les managers créateurs non seulement de performance mais surtout de motivation durables sont précisément ceux qui réussiront non pas à faire tourner leur équipe ou leur entreprise autour d’eux, mais avec eux.
Projet pour soi et/ou avec les autres ?
Il est nécessaire, par exemple, d’avoir une belle ambition pour mettre à jour et porter un projet d’entreprise ou d’équipe. En effet, une énergie phénoménale est nécessaire pour sortir de la routine et de la répétition du quotidien qui peut nous happer et nous conduire insidieusement vers la démotivation dans ce sentiment de répétition où chaque jour passé ressemble à hier et, où demain aussi sera encore semblable… Trouver un objectif réaliste et porteur, ambitieux et accompagné d’énergie : quelle gageure ! Et le réaliser, quelle gageure plus grande encore ! Ici l’ego, dans son expression et sa volonté, est un moteur puissant. Et dans le cas abordé en préambule, il en a fallu de l’énergie et de l’ambition pour créer l’entreprise et la faire reconnaître. Mais… Un projet pour soi tout seul, ou pour l’entreprise, l’équipe ? Si le projet est uniquement porteur de l’ego et des ambitions (aussi louables soient-elles) de celui qui l’a mis à jour, il risque soit de ne jamais se concrétiser, soit de demander une énergie colossale pour sa réalisation. Mais si le projet est un au-delà du dirigeant ou du manager, qu’il parvient à créer une dynamique collective, capable de trouver et de mettre en œuvre les sources de motivation de chaque personne de l’équipe ou de l’entreprise, alors il acquiert tout son sens et sa puissance réelle. Ainsi l’ego (dans sa dimension d’affirmation de soi) atteint sa pleine puissance dans une sorte de paradoxe : en pensant au collectif, à la réussite de l’ensemble, et donc en mettant mon ego personnel en retrait, je donne toutes ses chances au projet que je lance. Sinon le risque d’épuisement (et de frustrations, de colère) est grand ; ainsi que nous pouvons le constater dans nombre de cas de dirigeants se retrouvant dans des situations d’impasse car ils sont seuls à porter leur vision, leur projet (même dans des univers prestigieux où d’aucuns penseraient que la motivation et l’implication vont « de soi »).
L’ego et les valeurs
Comme nous l’avons analysé avec le « syndrome du schtroumpf », la thématique des valeurs peut-elle aussi révéler un « ego prison » en voulant transformer les autres en clones de soi-même, ou en les forçant à partager ses valeurs. Mais, en sens inverse, et pour illustrer une nouvelle fois cette pratique de l’ouverture ou de la fermeture, l’ego peut aussi exister dans une logique de valeurs partagées et enrichies : faire partager ses valeurs en partant du fait qu’un groupe humain crée ses propres valeurs, s’émancipant (pour le meilleur ou pour le pire) de celle de son dirigeant, fut-il le fondateur. Savoir ainsi affirmer ses valeurs et prendre en compte celles du collectif promet une histoire partagée riche de succès. Ceci est bien sûr vrai (et criant, comme nous l’avons déjà évoqué) dans les opérations de fusions, de rachats, ou de rapprochements de sites ou d’entreprises, mais bien plus encore dans le management au quotidien. Il ne s’agit pas de se renier, mais de trouver le point d’équilibre entre ses valeurs personnelles et celles des personnes dont on partage le quotidien. Ainsi dans notre illustration, le dirigeant, tant sur la perspective du projet que sur le partage des valeurs ne s’est jamais soucié de partage et d’enrichissement. Il a simplement imposé les choses, de fait, sans forcément en prendre conscience. Jusqu’au jour où les échéances l’ont placé devant l’inéluctable…
La relation au temps, la pérennité
Ici se situe certainement le critère ultime pour séparer l’ego dans sa dimension de « qualité » ou de « prison ». En effet, l’ego « prison », celui qui enferme en soi, dans sa vision unique des situations, dans sa maîtrise sans partage des prises de décisions va s’évaluer dans le rapport au temps. Combien de fois avons-nous pu voir des entreprises liées au sort d’un dirigeant ? Combien d’équipes sous la coupe d’un manager omniprésent et désireux de tout faire, de tout maîtriser, sont incapables de fonctionner sans lui… Situation éminent valorisante pour un ego centré sur lui-même et sur un (faux) pouvoir, mais situation ô combien dangereuse pour une entreprise, pour une équipe. Combien d’entreprises se trouvent ainsi en difficulté lorsque le dirigeant subit un accident ou est victime d’un problème de santé ? Combien d’équipes sont en dépendances d’un hypermanager? La question n’est donc plus ici de sa voir si cela « fonctionne » quand le manager est là (il y aurait déjà beaucoup à dire), mais ce qui se passe quand il n’est pas là ou quand il ne sera plus là… Un ego « prison » conduit quasi nécessairement à placer entreprise ou équipe en dépendance plus ou moins totale. Et il va de soi qu’alors la notion de performance reste liée non seulement à la présence du manager, mais aussi à sa capacité (ou non) de la générer. Ainsi le rapport au temps, à la pérennité, autrement dit une capacité à construire de l’autonomie sont, avec la capacité à entraîner un collectif, les critères essentiels de l’évaluation de la capacité d’un « ego » à générer une performance durable et, au-delà à créer une motivation qui ne dépend plus uniquement du manager…
L’ego et la mise en autonomie
La solution n’est pas dans le renoncement à son ego pour savoir s’il est une « qualité » ou une « prison ». C’est, à nouveau en regardant au loin, dans la pratique de la pérennité que se trouve peut-être l’élément le plus frappant… Transmettre… Un savoir-faire, une vision, un savoir-être, des compétences… Ici soit mon ego s’affirme tel qu’en lui-même, comme un « JE » ne faisant référence qu’à lui, et là, bien sûr, il dépasse le stade de la prison pour devenir une tombe. Au contraire, il peut aussi, tout en s’affirmant, porter de l’avenir au-delà de lui-même. Cela s’appelle « mettre en autonomie ». Pas seulement déléguer, qui est le premier pas : confier des tâches, des missions. Mais, au-delà, apprendre aux personnes qui m’entourent à devenir autonomes, à prendre des décisions par elles-mêmes et à les assumer (que l’issue soit une réussite ou un échec). Le plus bel accomplissement pour un manager, dans la dimension humaine, n’est-il pas précisément ici. Accompagner une personne pour qu’elle ne soit plus (ou pas seulement) dépendant de nous, de nos décisions, et de nos projets, etc… Mais qu’elle soit capable de construire son projet, de prendre ses responsabilités et de faire de sa différence au sein du collectif une ressource forte et non un handicap. Le manager, le dirigeant rejoint une dimension humaine essentielle : permettre à chacun d’accéder à ses potentialités. Bien sûr, nous ne tombons pas dans un angélisme naïf : chacun est différent, et n’aura ni les mêmes capacités, ni les mêmes ambitions. Peu importe au final si, en tant que manager, dirigeant j’ai permis aux personnes dont j’ai eu la responsabilité de pouvoir accéder à des talents dont ils se pensaient dépourvus. Après tout, le manager n’est-il pas, profondément, quelqu’un qui a confiance dans le(s) talent(s) des personnes qu’il manage et qui est capable, tel un chef d’orchestre non seulement de permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même mais aussi de jouer au sein d’un collectif?
Conclusion : ego et crédibilité
En conclusion l’ego du manager ou du dirigeant devient une prison lorsqu’il confond sa réussite avec celle du groupe, lorsqu’il est centré sur lui-même au point de vouloir imposer partout et avec tout le monde sa vision, ses valeurs, ses projets, ses décisions, sa volonté. Au contraire, débarrassé du stade infantile de son ego, le manager ou le dirigeant qui sait l’articuler avec celui des personnes qui l’accompagne ne confond plus la crédibilité avec l’autoritarisme ou la manipulation. Il ouvre alors un champs de possibilités nouvelles tant pour les individus que pour le collectif.
Jean-Olivier ALLEGRE
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