Management : de la peur à l’obéissance éclairée
Le management actuel est dans une schizophrénie rarement atteinte entre un marketing qui a dépassé les limites de l’indécence, survalorisant bienveillance, gentillesse et acceptation des différences, et une réalité qui frise de plus en plus la demande inconditionnelle d’obéissance.
Nous vous proposons ici un chemin propre à inspirer le management (quel que soit son niveau hiérarchique) vers ce qu’il est convenu d’appeler « l’obéissance éclairée ».
Nous posons cette simple question « qu’est-ce qui conduit un être humain à obéir ? »
Et nous vous proposons 7 degrés pour y répondre…
Degré 0 : la PEUR
Quelle réponse plus médiocre et révélatrice d’une déroute totale du management (non dans son efficacité, mais dans sa dimension humaine et morale).
Le management peut s’appuyer sur la peur (voire la terreur dans certains cas) pour que chaque personne de l’organisation obéisse. En activant toutes les contraintes, les forces de coercitions, menaces directes ou indirectes. « Si tu ne fais pas cela, alors, voilà ce qui va se passer… ». Au-delà d’être le signe d’un management infantilisant, il indique une double défaite : le manager qui émet ces messages n’a aucun crédibilité aux yeux de ses équipes, et le message qu’il fait passer n’en a aucune également. Ainsi, le seul moyen de « faire avancer les troupes », c’est de leur taper dessus (symboliquement à notre époque moderne) et/ou de les menacer.
Il faut, hélas, faire le constat qu’après deux années de crise sanitaire, certaines organisation sont tombées dans ce degré 0, avec des actions dont nous n’avons pas fini de déplorer les conséquences…
Degré 1 : la LÉGITIMITÉ
C’est la posture d’obéissance de ce que l’on appelle les « légalistes ». « Si telle personne, au vu de son « rang » ou « positionnement » hiérarchique, de son « expertise » dit cela, alors il faut le faire, même si je ne comprends pas, même si je ne suis pas d’accord ».
Cela pourrait être un signe de « leadership » comme l’on dit actuellement. Il s’agit d’utiliser sa position dans un organigramme pour que des personnes exécutent les ordres. La limite est assez évidente dans un manque de sens et de compréhension évidents de ce qui est réalisé. Le « légitimiste » ou « légaliste » ne fait pas les choses parce qu’elles font sens, mais parce qu’elles émanent d’une personne reconnue pour son autorité.
Degré 2 : l’IMPLICATION
La personne va suivre les consignes parce qu’elle est impliquée dans son travail; autrement dit, nous sommes ici pour la première fois dans une logique de « sens ». Cela fait sens d’appliquer les consignes, les exigences. Certes le degré de motivation fait une large part de l’adhésion, mais pour la première fois, une partie de l’intériorité de la personne fait du lien avec des consignes extérieures. C’est un début, et mieux que rien !
Degré 3 : la CONFIANCE
La confiance est une relation réciproque entre 2 personnes. C’est une donnée souvent oubliée, mais la confiance demande un acte de la part des 2 personnes. Si une seule personne a « confiance » dans l’autre sans réciprocité, cela s’appelle un « pari » mais pas de la confiance au sens plein du terme. Nous ne saurions assez rappeler que la confiance est une construction mutuelle qui repose aussi sur une histoire, des expériences partagées.
Degré 4 : la RÉALISATION DE SOI
Je suis les exigences, car elles me permettent au-delà de la confiance évoquée dans le paragraphe précédent, de me réaliser dans l’exercice de mon métier. C’est un levier fort de l’obéissance, car en obéissant, je deviens « meilleur » (que ce soit dans mon professionnalisme (compétences et savoir-faire) que dans mon savoir-être, voire même mon humanité). La réalisation de soi est une dimension à la fois trop souvent oubliée voire méprisée dans le management actuel qui, obnubilé par la performance en oublie le sens de l’humain…
Degré 5 : la COMPRÉHENSION GÉNÉRALE
Ce qui m’est demandé est présenté ou m’apparait dans sa vision globale. Je ne fais pas seulement les choses pour moi, mon plaisir personnel, ma réalisation personnelle, mais parce que je vois tout ce que cela apporte aux autres acteurs de mon organisation, de mon système professionnel. Ma motivation à obéir est absorbée dans une dynamique d’apports collectifs.
Degré 6 : la RÉALISATION COLLECTIVE
Je suis les consignes, les exigences parce que je vois et je vis que mes actes et mes actions engendrent et génèrent une réalisation collective, c’est-à-dire qu’elles ont des impacts positifs dans le travail, la motivation et le bien-être de mes collègues d’entreprise. Il parait que la véritable COHÉSION est de cette dimension…
Conclusion...
Ce petit parcours parmi les degrés de l’obéissance nous fait prendre conscience du chemin à parcourir.
Chemin qui doit se parcourir aussi bien pour les dirigeants et managers que pour les équipes, les « subordonnés ».
MAIS les premiers à l’enclencher doivent nécessairement être les dirigeants puis les managers, puis celles et ceux à qui s’adressent l’autorité et la demande d’obéissance. En effet, pour que les personnes qui doivent obéir puissent le faire à un degré autre que le degré 0 de la peur, elles ont besoin que ceux qui détiennent le pouvoir soient en avance sur le chemin.
En effet, dans une cascade vertueuse, non seulement l’exemple vient du haut, mais surtout, dans les lois de la physique comme dans celle du management, les aspirations à la vertu et à la hauteur des personnes qui « subissent » l’autorité ne peuvent se réaliser effectivement et durablement si les sphères « du haut » sont dans des degrés plus bas…
... Et perspectives...
Ce chemin vers l’obéissance éclairée, qui se construit étape par étape, indique la réalisation d’une entreprise humaine (nous ne parlons pas ici d’entreprise humaniste tant elle relève, à l’heure actuelle du Défi au sens plein du terme).
L’entreprise humaine est celle qui, dans l’exercice de l’autorité et de l’exigence, réalise pleinement et véritablement cette capacité à donner du sens et de l’utilité à ce qui est demandé, qui développe les compétences et le savoir-faire des personnes; elle favorise l’autonomie et la prise d’initiative réelle, et surtout, elle accepte les limites de ses salariés face à des demandes de performance irréalistes qui peuvent s’exprimer dans des critiques constructives.
L'entreprise humaine est celle qui, "tout simplement" (même si le chemin en est difficile), apprend le sens de l'autre...
Sophie GIRARD & Jean-Olivier ALLEGRE
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