Bonté et Vérité dans le management
Nous irons directement au but dans cet article, sans revenir sur la « bienveillance » dont nous avons dénoncé tous les travers et hypocrisies dans un précédent billet « RESTER DEBOUT ! »
De manière spontanée, chacun de nous dirait : « Bonté, vérité et exigence » sont totalement antinomiques et ne peuvent être tenues ensemble. Et si la réalité nous conduisait de manière concrète, pratique et pragmatique à l’inverse ?…
BONTÉ
Pourquoi cet a priori négatif sur la « bonté » perçue, dans notre monde actuel (surtout professionnel) comme une faiblesse ?
Tout simplement parce que, comme de nombreuses valeurs humaines et humanistes, la bonté a été et reste, fondamentalement, dénigrée. Perçue comme une « niaiserie » qui n’a aucune place dans la vie professionnelle, et, profondément, comme une faiblesse (pour ne pas dire une lâcheté).
Revenons aux fondamentaux : quelles définitions pour la « bonté » ?
« Caractère de ce qui est conforme au bon, au bien, aux valeurs morales reconnues favorables à l'épanouissement de l'Homme ».
« Qualité d'une personne bonne, portée à considérer, traiter les autres d'une façon favorable, en s'abstenant de leur nuire, et surtout en œuvrant pour leur épanouissement vital, aux dépens même de ses propres intérêts ».
Avouons qu’en lisant ces 2 définitions… nous sommes loin des a priori négatifs… Surtout, la bonté nous implique dans l'ACTION et non dans la théorisation. Peut-être est-ce cette exigence d’actes (et non de déclarations) est-elle dérangeante pour nous ? Et, plus encore, un positionnement par rapport à ce que nous considérons HUMAINEMENT comme BON non seulement POUR NOUS mais aussi POUR LES AUTRES…
Alors faisons rentrer la bonté dans une galaxie de valeurs qui vont l’éclairer, la concrétiser…
HUMILITÉ
Pas de bonté sans humilité… L’humilité est un rapport de soi au monde, à la vie et aux autres. L’humilité consiste à ne jamais se mettre en avant au détriment des autres ni de proclamer avec fait ce que l’on n’a pas fait ou se vanter de qualités, de compétences que l’on ne possède pas.
L’humilité vient du latin « humus », la terre; autrement dit l’humilité est un appui sur la terre, sur le réel et sur le concret. Ce rapport au point d’appui est essentiel, fondamental. En effet, l’humilité est non seulement notre capacité de nous mettre au niveau des personnes avec lesquelles nous partageons des activités professionnelles (ou autres); quel que soit le niveau hiérarchique de ces personnes la pratique nous amène à nous placer systématiquement au même niveau. Et s’il faut « descendre », l’humilité nous conduit à le faire sans jamais le vivre comme une humiliation, mais comme un moyen de pouvoir échanger, partager, collaborer et surtout… nous le verrons un peu après : de progresser ensemble dans toutes les dimensions : performance, technique, humaine…
Il n’est pas de bonté sans humilité, car la bonté, précisément réclame cette capacité de savoir réellement qui l’on est et de ne jamais se sentir supérieur à qui que ce soit. C’est au contraire faire le pari que l’autre a aussi quelque chose à me transmettre, voire même que le simple fait de partager une action ou une difficulté peut m’apprendre aussi quelque chose…
PRENDRE SOIN
Fondamentalement là aussi, la bonté consiste à prendre soin, à faire attention, à être attentif, à se soucier au sens plein du terme. Il est étonnant qu’au temps où une si large majorité de personnes proclament qu’il nous faut prendre soin de la planète, qu’aucune ne se pose la question de la bonté. Peut-être (mais ce serait ici pure malice) que ce « combat » n’est qu’un prétexte pour, au contraire, déverser la violence et la haine de l’autre… Mais revenons à notre bonté (réelle) : prendre soin de l’autre c’est aussi avoir la capacité de prendre soin de soi… Comment serais-je capable de prendre soin de quelqu’un d’autre que moi si je ne sais pas le faire pour moi… ce serait bien étonnant que j’en sois alors réellement capable.
Prendre soin nécessite de SE DÉCENTRER et d’être en réelle empathie pour les personnes dont j’ai la responsabilité managériale, ou, plus simplement, qui m’entourent. Prendre soin nécessite cette HUMILITÉ dont nous venons de parler mais en allant encore plus loin pour se mettre au service des personnes. Nous renvoyons ici sur cette posture à notre article « SERVIR ! » qui aborde de manière approfondie la question.
Ainsi prendre soin de soi pour prendre soin des autres nécessite de ne pas être dans la dimension égotique consistant à se prendre pour le centre du monde… au contraire, c’est approfondir le rapport à soi pour mieux comprendre les autres. Tout un programme, tout un chemin de vie ! En effet pour apporter son aide à une personne il faut soi-même être quelqu’un… et tout cela en toute humilité…
C’est précisément en suivant ce chemin que l’on prendra conscience que prendre soin n’est pas non plus une attitude consistant à mettre les personnes dans des cabines de coton et de coussins. Mais que prendre soin nécessite de porter une exigence réelle pour grandir et faire grandir. En effet, abandonner quelqu’un à son sort, ce n’est pas « prendre soin », mais juste laisser tomber…
SENS DE L’AUTRE et RAPPORT AU BIEN COMMUN
Tant qu’à être iconoclaste et remettre en question tant d’impensés dans le monde professionnel, autant faire les choses jusqu’au bout et prononcer d’autres mots si tabous en entreprise : le sens de l’autre et le bien commun.
Eh bien, précisément, la bonté nous oblige à nous confronter à ces deux questions
Qu’est-ce que l’autre dans le monde professionnel ? Un moyen, un outil, une ressource dont je me sers, dont j’use et j’abuse ? Ou possède t-il (là aussi quel que soit son métier, sa position hiérarchique) une DIGNITÉ qui mérite le RESPECT de ma part ? Nous vous laissons méditer sur le sujet, mais la réponse à cette question, au-delà de nous ébranler, nécessite une mise en pratique réelle et non, à nouveau, de simples déclarations d’intentions !
BIEN COMMUN ? Dans l’entreprise ? Aie aie aie… Les entreprises ne sont-elles précisément pas devenues des lieux de « passages », des lieux de « croisements » dans lesquelles, précisément, nous avons très largement perdu de vue ce qui unit et relie le dirigeant avec les opérateurs, les managers de proximité et les top managers ?.. Or, la cohésion dont se vante aussi les consultants en mal de vente que les entreprises qui ne savent plus de quoi elles parlent… la COHÉSION précisément nécessite de partager un bien commun.
Ici encore, le pratiquant de la bonté s’est posé la question et a trouvé sa réponse… Il refuse l’individualisme, le communautarisme, le silotage, le tribalisme, et, contre vents et marées, mais avec toutes les bonnes volontés, il fait voguer la barque de son équipe dans cette dimension de partage…
PATIENCE ET TÉNACITÉ
La pratique de la bonté nécessite à la fois la patience, ce temps donné au temps qui permet aux personnes d’intégrer de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences, d’améliorer leur technicité, mais aussi, plus profondément de s’améliorer dans leurs qualités humaines.
La patience n’est compatible avec la faiblesse dont pouvait être tenté de qualifier initialement la « bonté »… Quiconque a fait l’expérience d’élever des enfants et de voir leurs progrès, et de la même manière, de voir une personne progresser et réussir ce que tout le monde pensait initialement que ce ne serait pas possible, sait que la patience n’est pas un chemin de guimauve, mais qu’il lui faut cette TÉNACITÉ dont nous sommes si peu capables aujourd’hui.
Ténacité et patience réclament de la verticalité… une capacité à exiger et à tenir dans la durée, à ne pas céder, bien incompatibles avec la faiblesse et la lâcheté…
COURAGE
Eh oui ! La bonté nécessite du courage… non pas d’être une trompette claironnant « je vais faire… », mais une personne capable de ténacité, de patience, de verticalité et de courage pour dire quand cela ne va pas, quand la personne est en difficulté et veut abandonner, veut comme le dit si bien l’expression actuelle « laisser tomber »… Laisser tomber c’est sombrer dans une horizontalité mortifère… et la bonté, la vraie bonté, s’arme alors de courage pour dire « non ! » et pour trouver la force de « relever » celui qui tombe pour le remettre debout, et en énergie pour avancer….
Le courage ce n’est pas « une paire de c… » comme le disent les vulgaires se prenant pour des virils (hommes ou femmes d’ailleurs…). Le courage c’est d’AVOIR DU COEUR ! C’est-à-dire le coeur qui donne la force quand tout est difficile et aussi, le cœur qui sait encourager, valoriser les personnes qui progressent, font des efforts, atteignent des résultats, ou, plus simplement continuent de se battre pour avancer et progresser…
FAIRE PROGRESSER, ÉLEVER
Nous y voilà… toutes les pièces du puzzle se mettent en place…
Contrairement à toutes les idées reçues dans le monde de l’entreprise, non seulement la pratique de la BONTÉ n’est pas antinomique avec l’EXIGENCE, mais elle la porte en elle, mais, surtout la bonté fait progresser et permet à chaque individu de s’élever… Dans toutes les dimensions de son être : compétences et techniques, savoirs et connaissances, mais aussi relationnel et dans son humanité. Nous renvoyons ici à notre article « Humain dans la vérité » dans lequel nous avons mis en avant la capacité de chacun de rester humain et de développer son humanité dans le monde professionnel.
La bonté se pratique dans le fait de conduire chacun au-dessus de lui-même. Et même, pourrions-nous ajouter, SEULE LA BONTÉ permet à une personne de grandir…
VÉRITÉ dans le RESPECT
Si la bonté fait progresser, c’est précisément parce que dans son humilité elle s’est mise au niveau de la personne, qu’elle exige non pour humilier ou contraindre, mais pour élever grâce à ce courage qui conduit à pratiquer une relation de vérité et dans la vérité; sans faux semblants, mensonges, manipulations et autres bassesses et corruptions humaines…
Pratiquer la vérité dans les relations humaines, dans nos interactions humaines, c’est faire preuve de respect pour chaque personne rencontrée.
La bonté nous conduit à considérer chaque personne en DIGNITÉ, c’est-à-dire comme digne de respect, autrement dit en capacité d’entendre les choses et de pouvoir échanger précisément sur un retour de vérité, qu’il soit positif ou négatif…
Pour terminer cette modeste contribution à remettre de l’humanité dans le monde professionnel via une bonté pratiquée dans toutes ses dimensions, nous voudrions remercier tous les managers et dirigeants, mais aussi les salariés que nous avons rencontrés pendant toutes nos interventions et qui étaient portés par cette aspiration, cette AMBITION de pratiquer des relations humaines dans la bonté dans leurs univers respectifs. Que chacun d’entre vous sache par cet article non seulement notre reconnaissance, mais notre grande admiration pour vos actes du quotidien
SOPHIE GIRARD & JEAN-OLIVIER ALLEGRE
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